Cette nouvelle rubrique “Zoom sur” vous propose de passer une semaine avec un artiste ou un groupe en balayant quelques-uns de ses albums ou chansons et prestations live.
On avait préparé le terrain avec notre dernier billet. Vous vous demandez peut pourquoi mettre autant en avant un groupe de seconde zone comme The Damned ? Justement parce qu’on les y enferme à tort et qu’il s’agit certainement de l’un des groupes les plus sympathiques du rock. Un vrai groupe de fans, dans le sens où eux l’étaient et l’ont toujours été.

Pour rien vous cacher, on a pris un plaisir fou à visiter leur discographie pour l’occasion, d’autant qu’on ne la connaissait pas si bien que ça. En effet, il est clair qu’avec eux, il ne faut pas forcément se fier à une image, car ils proposent de joyeux grands écarts dans les genres et les styles. Juste pour tester, nous vous proposons trois morceaux pour le mesurer, et une compilation très riche pour débuter cette semaine spécial « The Damned ».
Des étiquettes collées à tort…
Des 4 fantastiques qu’ont pu former les grosses locomotives du punk anglais (Clash, Sex Pistols, Buzzocks et Damned), The Damned font souvent partie des laisser-pour-comptes, alors même qu’on oublie souvent qu’ils auront tiré les premiers. Il faut dire que le groupe aura été de loin le moins sérieux du lot (comment prendre au sérieux un chanteur qui se déguise en Dracula à tout bout de champ?) et que, en matière de rock, on aime bien ne pas trop se prendre au sérieux, à condition de ne pas faire les clowns. Or, rien que sur la pochette de leur premier disque, on comprend tout de suite qu’on a affaire à de joyeux lurons là pour s’amuser avant tout.

Résultat : on retient d’eux le côté farce, mais on oublie leur musique, comme c’est souvent le cas. Vous voulez d’autres noms ? De la Soul, Madness, The Pogues, Supergrass, Joe Dassin etc. C’est bien connu : pour être pris au sérieux, il faut faire de la musique sérieusement. Or, les Damned s’en donneront à cœur joie dans l’autre sens en multipliant les blagues sur scènes, en se déguisant en vampire, en brassant les styles, jusqu’au revival 60’s (ils reprendront très fidèlement Eloise et Alone again or) ou se séparant tous les quatre matins, juste pour le plaisir de se reformer.
Et le pire de tout aura peut-être été de commettre le blasphème ultime en faisant produire leur 2nd album, Music For pleasure, par l’ennemi incarné des punks, j’ai nommé Nick Mason de… Pink Floyd (choisi dans les faits parce que Syd BARRETT ne répondait pas à leurs sollicitations) ! Or, encore une fois, tout ça ne prouve qu’une chose : ils étaient avant tout fans de musique. De beaucoup de musiques. Et que les codes du punk leur sont apparus très vite comme étant trop étriqués pour leur fantaisie.
Sous la surface…
Bref, tout ça nous a fait oublier l’essentiel. 1) Ils avaient bon goût, il n’y a qu’à voir leurs reprises : Beatles, Stooges, MC5, Love etc. 2) Y compris dans le mauvais goût : leur fascination pour les séries Z, l’esthétisme gothique, mais avec des références dûment choisies. 3) Ils étaient bien meilleurs musiciens que la moyenne (particulièrement leur batteur qui a su parfaitement reprendre le flambeau de Keith Moon au niveau de son jeu) et disposait d’un chanteur avec une vraie voix de baryton et puissante qui renforçait leur originalité. 4) Ils n’ont pas géré une rente en répétant le même schéma jusqu’à plus soif comme certains autres de l’époque (Buzzcocks, Ramones, Cramps etc.).
En fait, derrière l’étiquette de joyeux punks qu’on leur collait un peu trop, nous sommes face à un groupe tiraillé par trois directions, qui créeront plus d’une tension en son sein et qui conduiront à de multiples brouilles et séparations. La première est cette énergie punk, influencée par les groupes garage 60’s, qui parcourt régulièrement leurs titres et qu’ils sont su conserver. La seconde est cette veine gothique, insufflée par leur chanteur, Dave VANIAN, qui donne au groupe une dimension plus sophistiquée, voire arty, qui contraste totalement avec la première. Enfin, il y a en eux une constance à rester pop et mélodieux dans presque tout ce qu’ils font, en cela marqué à jamais par leur fascination du son 60’s et du psychédélisme.
Et, malgré cette opposition, ils ont su durer et sont aujourd’hui le dernier groupe punk de l’époque (même si l’étiquette n’a sans doute plus beaucoup de sens) à être resté en activité, tout en conservant sur scène une ferveur, une énergie et leur bonne humeur des débuts.
Un dernier point qui mérite toute notre sympathie à leur égards, c’est qu’ils ont su régulièrement aider les groupes qu’ils aiment, comme les Ruts ou les Misfits
The Damned- SMASH IT UP THE : ANTHOLOGY 1976-1987
Cette compilation retrace de manière très habile leur discographie jusqu’à 1988. Elle est donc l’occasion de (re)découvrir que The Damned n’ont pas écrit uniquement l’un des meilleurs albums du punk anglais avec quelques-uns de ses hymnes, mais qu’ils savaient trousser de vraies chansons et se lancer dans toutes sortes de styles sans sombrer dans le ridicule.

D’ailleurs, j’ai une petite théorie personnelle sur leur morceau de bravoure qu’est Curtain Call (un morceau qui dure plus de 17mn (oui, comme du progrock cf. ci-dessous). Si vous l’écoutez, vous pourrez vous rendre compte que la structure est complètement calquée sur Echoes de Pink Floyd. Et sur ce morceau, j’adore quand il repart après son long passage instrumental (bon, disons-le, un peu ennuyant malgré tout) à 11mn30. Ecoutez ce jeu de batterie qui se met en place et qui joue avec notre envie que le titre reparte de plus belle. On ne dira d’ailleurs jamais assez que Rat Scabies était le meilleur batteur du punk (même si je dis ça sans rien y connaître, bien entendu, mais ça vous obligera à le vérifier !).
Alors, pendant cette écoute, je vous demande d’oublier ce regard condescendant qu’ont la plupart des gens sérieux pour se plonger dans cette musique qui déborde dans tous les coins, y compris là où on ne les attend pas, avec réel bonheur la plupart du temps. Un dernier signe qui prouve que The Damned mérite une place dans votre panthéon : même si nous avons là une compilation double CD et, aussi réussie soit elle, l’œuvre du groupe contient encore plein de bonnes choses qui n’y figurent pas (dont ma chanson favorite).
Et n’oubliez pas, eux ont toujours fait de la musique pour le plaisir (comme l’indiquait leur second album (pourtant pas des plus réussis)) et ça s’entend dans chacun de leur disque !
The Damned- SMASH IT UP THE : ANTHOLOGY 1976-1987

- New Rose
- Help
- Neat Neat Neat
- See Her Tonite
- Fan Club
- I Fall
- I Feel Alright
- Feel The Pain
- Stretcher Case
- Problem Child
- Don’t Cry Wolf
- Your Eyes
- Creep (You Can’t Fool Me)
- Idiot Box
- Love Song
- Smash It Up (Part 1)
- Smash It Up (Part 2)
- Machine Gun Etiquette
- Melody Lee
- Plan 9, Channel 7
- I Just Can’t Be Happy Today
- The History Of The World (Part 1)
- Wait For The Blackout
- Drinking About My Baby
- Silly Kids Games
- Curtain Call
- Lovely Money
- Dozen Girls
- Life Goes On
- Under The Floor Again
- Generals
- Grimly Fiendish
- Eloise
- Anything
Pour la damnation éternelle, c’est ici.
Et si, vous aussi, vous avez envie de nous faire redécouvrir un groupe, contactez-nous ici.
Francis
Les Ingrats! Pas un commentaire. Une tournée de tartes à la crème s’impose. Bande de lustucrus! Oui j’aime »The Damned » et je les ai toujours aimés. Depuis ce fameux premier 33, où ils jouent speed ( j’apprendrai plus tard que la vitesse a été trafiquée). Qu’importe. Des déconneurs mais pas des guignols, eux ont du talent. Oubli, un album où ils reprennent des standard des années 60 (I had too much to dream… Nobody but me, Cold Turkey…) sous le nom »Naz Nomad & The Nightmares » . Titre de l’album »Give Daddy The Knife Cindy ». Forcément psyché. Une curiosité à découvrir. Merci à toi Francis.
Eric.
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Je t’avoue qu’on a hésité à proposer le disque. A la place, on a préféré mettre un live. Mais s’il y en a qui sont intéressés, faîtes signe!
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La malédiction de nos semaines spéciale (après Nick Cave)! ^-^
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