A redécouvrir (12)- Tom Verlaine- Words from the Front (1982)

Le Palmarès 2021 montrait une majorité d’artistes féminines et un net retrait des guitares. Donc, quoi de plus logique que de vous proposer un guitariste masculin ? Tom Verlaine, à sa façon, pourrait entrer dans les anti guitaristes heroes, tout en ayant été vénéré pour son jeu et sa créativité par plusieurs générations de guitaristes (on continue dans les paradoxes). Lui qui est entré dans l’histoire de la manière la plus flamboyante qui soit dans l’histoire du 20eme siècle, avec l’un des plus beaux albums du rock, j’ai nommé Marquee Moon de Television, sa carrière en solo reste très confidentielle. Et c’est justement là qu’on va vous emmener.

Sans doute, cet artiste était-il trop discret pour attirer les lumières sur lui et connaître une gloire sur ses trouvailles que d’autres sauront mieux capitaliser que lui. Mais, par les temps qui courent, cette attitude et des disques aussi bons qu’on n’aurait pas usés jusqu’à la corde méritent qu’on leur accorde un peu plus d’attention.

Il est vrai qu’il est difficile de nier qu’il n’aura jamais fait mieux que cette entrée en matière et on aurait bien voulu y consacrer tout un billet tellement ce disque est marquant et fait partie de mes préférés de tous les temps, mais ce serait un peu enfoncé les portes ouvertes. Donc on va plutôt s’attarder sur ce qui est certainement son meilleur album solo, Words from the Front (1982).

S’il est un point qu’il faut noter dans la carrière de Tom Verlaine, c’est le contraste entre la relative complexité des rythmes de Marquee Moon face à la régulière paresse et pauvreté qu’ils prendront par la suite et qui, alliée à la l’ingratitude des sonorités 80’s sur le sujet, rend assez honneur à la tiédeur qu’on porte sur les disques qu’il enregistra sous son nom. Mais c’est aussi pour lui une façon de laisser de la place aux guitares et de les mettre en valeur.

Et, en même temps, loin de la flamboyance de Television, on peut dire que la musique a une dimension un peu ingrate, parfois même un peu austère, qui fait certainement que ses disques ont assez peu marché. Je me rappelle avoir débuté dans son œuvre solo à l’aide d’une compilation. Et, moi aussi, j’avais été déçu, là où Marquee Moon m’avait immédiatement enchanté et fasciné. Et le déclic sur cette partie de son œuvre a été pour moi Words from the Front. Quelques couches de claviers viennent éclairer la musique ce qui lui permet de dépasser l’exercice de musicien. Et puis, certaines mélodies sont immédiatement plus accrocheuses.

Une autre constante tient bien entendu à sa voix très particulière, étranglée et aiguë, mais qu’il utilisera par la suite d’ailleurs aussi en chant-parlé, sur des registres un peu plus bas. En fait, quand on l’entend, on dirait presque parfois qu’elle s’excuse d’être là et de chanter ainsi. Elle lui permet sans doute de mettre davantage en avant ses textes qui sont, du moins pour ceux qui les comprennent, d’une très belle poésie (le choix de son nom n’étant pas un hasard).

Comme souvent avec ses disques, l’album en question commence par un titre particulièrement acide qui n’est pas sans rappelé son premier groupe. Puis, se succèdent des morceaux plus concis qui montrent toute l’expressivité de Verlaine en tant que guitariste. Il faut écouter True Story ou Coming Apart pour découvrir comment il arrivait à bâtir des chansons en les faisant reposer sur les guitares tout en sortant des sempiternels trois accords, et ce, sans que jamais ne cela sonne démonstratif. Puis, deux pièces centrales plus longues, Words from the Front et Days on the Mountain, montrent une envie de quitter le schéma rock classique. Enfin, la ballade Postcard from Waterloo, avec sa splendide mélodie, déroule une musique plus classique mais toute en délicatesse.

Ainsi, tout l’album est une nouvelle preuve que Tom Verlaine privilégie la créativité à la démonstration technique. Et c’est certainement pourquoi il aura influencé autant de musiciens nés dans les tourbillons du punk. Sauf que, bien entendu, il était certainement bien meilleur que la plupart d’entre eux sur le plan technique. Sa marque serait d’entendre une chanson autour de notes ou d’effets que personne n’aurait retenu et de les assembler ensemble, sans doute parce que cela aurait semblé trop ingrat. En ce sens, il est difficile d’imaginer qu’elles aient pu être écrites par quelqu’un d’autre et constituent toujours une source d’inspiration pour qui voudrait puiser des idées.

Et, pour qui voudrait entendre toute la richesse et la musicalité de son jeu, je conseillerais l’album Warm and Cool, constitué uniquement de morceaux instrumentaux, en formation rock classique basse/guitare/batterie. Dessus, on finit par totalement oublier l’absence de voix et Tom Verlaine y joue certaines de ses plus belles notes de guitares.

La chanson titre en version tronquée pour en faire un single

Bien sûr, certains diront peut-être que ce n’est pas rock ou trop arty pour être du vrai rock comme on l’aime, mais cela confère au geste et à l’artiste une élégance et une honnêteté qu’on n’y trouve pas si souvent. Mais cela prouve aussi qu’il est bien difficile de savoir ce qu’est le vrai rock. En fait, le rock est souvent plus beau quand il prend des chemins de traverses. Peut-être est-ce précisément là où Tom Verlaine aura cherché sa place ?

Tom Verlaine- Words from the Front (1982)

1- Present arrived
2- Postacrd from Waterloo
3- True Story
4- Clear it away
5- Words from the Front
6- Coming Apart
7- Days on the Mountain

A l’Ouest rien de nouveau? (merci au blog Lagrimapsicodelica pour le lien)

Francis

4 réflexions sur « A redécouvrir (12)- Tom Verlaine- Words from the Front (1982) »

  1. Du rock ou pas du rock : je m’en fous comme vous devez vous foutre que dans une autre vie j’ai vécu vers l’Aisne (le département).

    Je réécouterai cet album de Tom Verlaine que j’ai découvert une première fois grâce à vous deux ou à toi seul ; merci.

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    1. Oui, c’est assez vrai, mais en ce qui me concerne, pas pour les mêmes raisons. J’hésite souvent à commenter un album de rock, un style que je maîtrise moins bien que d’autres. Malgré tout, Tom Verlaine est un artiste que j’apprécie, bien d’avantage que Nick Cave.

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